Anne-Laure : Cinq opérations, ces cicatrices en forme d'ancres marines et une force de vie inébranlable.

Découvrez l'histoire d'Anne-Laure, une survivante qui a transformé ses épreuves en une ode à la résilience et à l'acceptation de soi.

Anne-Laure: Five operations, scars like sea anchors and an unshakeable will to live.

Discover the story of Anne-Laure, a survivor who transformed her ordeal into an ode to resilience and self-acceptance.

Cicatrice au genou d'Anne-Laure : témoignage de résilience après une tumeur.

Thibaut : Bonjour ! Comment tu t’appelles ?

Hello! What's your name?

Anne-Laure : Je m’appelle Anne-Laure.

My name is Anne-Laure.

Thibaut : Quelles sont tes cicatrices ?

What are your scars?

Anne-Laure : Moi, j’ai deux grosses cicatrices. Ce ne sont pas des cicatrices que l’on peut avoir dans la vie de tous les jours comme celle que j’ai sur la main en ce moment (rires). Ça c’est la plus fraîche. Moi, j’ai un très gros tissu cicatriciel, c’est le terme médical, sur la poitrine. Et il y a deux ans j’ai eu le bonheur, la joie, de m’apercevoir que j’avais une tumeur dans le genou : à l’avant et à l’arrière du genou. J’ai 50 cm de tissu cicatriciel sur la jambe : ça fait 23 cm sur le devant et le reste est derrière en Z comme Zorro (rires).

Me, I have two big scars. They are not scars that you can have in everyday life like the one I have on my hand right now (laughs). That's the freshest one. I have a very large scar tissue, that's the medical term, on my chest. And two years ago I had the happiness, the joy, to realize that I had a tumor in my knee: in the front and in the back of the knee. I have 50 cm of scar tissue on my leg: it's 23 cm on the front and the rest is on the back in a Z-shape like Zorro (laughs).

Thibaut : Comment c’est arrivé ?

How did it happen?

Anne-Laure : En fait je suis tombée. Je ne m’en suis pas rendue compte parce que j’ai des problèmes de genou depuis que je suis petite. J’ai fait un épanchement de synovie suite à cette chute. C’est classique et habituel. Je ne me suis pas inquiétée et je suis partie à Rome. J’ai fait plusieurs kilomètres de marche sans me rendre compte que j’avais mal.

I actually fell. I didn't realize it because I've had knee problems since I was little. I had a synovial effusion after that fall. It's classic and usual. I didn't worry and went to Rome. I walked several kilometers without realizing that I was in pain.

Puis j’ai accueilli cette petite boule de poils qui est mon chat et faire du repassage avec elle c’était un peu compliqué quand elle est arrivée chez moi. Je suis restée plus de six heures debout à essayer de l’empêcher de faire des bêtises en essayant de faire mon repassage en même temps et toute la nuit j’ai eu la jambe qui a tremblé. À ce moment-là, j’ai commencé à me dire qu’il y avait peut-être un pépin. Ça c’était en juillet et mon médecin m’a vu au mois de septembre. Je suis du genre à ne pas aller chez le médecin tant que je n’ai pas mal. Je ne m’écoute pas trop. Il me dit « Je pense que tu as un peu d’arthrose. Il faudrait que tu ailles passer une I.R.M. ». Je me dis « Pas de soucis ». Je vais faire mon I.R.M. dans l’hôpital où j’ai été opéré une première fois du genou parce que j’avais un kyste dans le ménisque, ce qui est assez rare mais j’ai réussi à faire cette magnifique chose toute seule ! Vu que c’était un lieu que je connaissais bien, que c’était la clinique où j’étais née, j’étais vraiment en confiance. Là, tu passes dans cette espèce de gros tuyau et on te dit « Vous faites une allergie au produit de contraste ? » J’ai demandé de quoi on me parlait en rigolant. Ils me font une injection, je repasse dans le tuyau et là je vois des gens qui arrivent, qui repartent avec leurs I.R.M. qui ne voient pas de radiologue et moi on me fait attendre pour me dire « Le docteur untel vous recevra ». Mon cœur s’est mis à palpiter. On m’annonce que j’ai une synovie villonodulaire.

Then I welcomed this little fur ball who is my cat and ironing with her was a bit complicated when she arrived at my house. I stayed up for more than six hours trying to stop her from doing stupid things by trying to do my ironing at the same time and all night my leg was shaking. At that point I started to think that maybe there was a problem. That was in July and my doctor saw me in September. I'm the kind of person who doesn't go to the doctor until it hurts. I don't listen to myself too much. He said, "I think you have a little bit of osteoarthritis. You need to get an M.R.I.". I say to myself, "No worries. I'm going to have my M.R.I. done in the hospital where I had my first knee operation because I had a cyst in my meniscus, which is quite rare but I managed to do this magnificent thing on my own! Since it was a place I knew well, it was the clinic where I was born, I was really confident. There, you go through this kind of big pipe and you're told, "Are you allergic to the contrast agent? "I laughed and asked what they were talking about. They gave me an injection, I went back through the tube and there I saw people coming and going with their M.R.I.s who didn't see a radiologist, and I was made to wait and say, « The doctor will see you". My heart started beating. I was told that I had villonodular synovia.

Beautiful Scars : gros plan sur la cicatrice en forme d'ancre marine d'Anne-Laure.

All we know is that six weeks after your operation you see the doctor but in the meantime you are followed by another doctor who doesn't know you from Adam and Eve because you are in a specialized center and it's quite hard. So I had the operation on January 28, 2016, the day before my dad's birthday. And I didn't feel good at all about missing my dad's birthday (laughs). It really hurt. Walking had become a pain. I love walking, I'm a dynamic person. When you can't walk anymore, when you're on crutches, you feel like crying so much your rhythm slows down, it's just a joy to get on the operating table. I woke up the next morning with a lot of energy. I was relieved. It was gone.

Le lundi je rentre au centre de kinésithérapie et dans la nuit du lundi au mardi je m’aperçois que ma jambe ne fonctionne plus. C’est-à-dire que je peux bouger ma cheville, je peux bouger ma hanche mais tout le reste est paralysé. En fait c’est une sidération du muscle. C’est-à-dire que mes muscles ont été tellement traumatisés par l’opération que mon quadriceps ne répond plus. Il a fallu tout réapprendre. Ce que je savais mais je ne pensais pas que pendant 3 semaines ma jambe ne répondrait plus. J’ai eu un kiné qui a pris ma jambe, qui l’a levée et qui l’a lâchée. Je n’ai jamais autant insulté quelqu’un du corps médical autant que ce jour là parce que ma jambe est tombée toute seule. J’étais incapable de la retenir. Et quand il a fait ça je pense que ça m’a sauvé. Ça a fait quelque chose qui a fait que mon quadriceps s’est réveillé.

On Monday I go back to the physiotherapy center and in the night from Monday to Tuesday I realize that my leg doesn't work anymore. That is, I can move my ankle, I can move my hip but everything else is paralyzed. In fact, it is a sideration of the muscle. That is to say that my muscles have been so traumatized by the operation that my quadriceps no longer responds. I had to learn it all over again. What I knew but I didn't think that for 3 weeks my leg would not respond anymore. I had a physiotherapist who took my leg, lifted it up and let it go. I have never insulted anyone in the medical profession as much as I did that day because my leg fell off on its own. I was unable to hold it. And when he did that I think it saved me. It did something that made my quadriceps wake up.

Portrait d'Anne-Laure : cicatrices et sourire, l'histoire d'une survivante.

C’est hyper barbare comme nom mais en fait c’est un nodule qui se forme dans ta synovie. La synovie c’est la poche de liquide qui permet à tes articulations de fonctionner sans que ça te fasse mal ; si tu n’as pas de synovie c’est que tu n’as pas le lubrifiant et si tu n’as pas de lubrifiant ça fait mal. Donc moi j’ai fait ma tumeur là-dedans. En fait, c’est un petit caillot de sang qui s’est mis dans ma synovie et qui a fait un espèce d’aimant à cause de mon stress et qui a commencé à gonfler et quand ils s’en sont aperçus j’avais une tumeur à l’avant et à l’arrière du genou car à partir d’un certain nombre de centimètres ce n’est plus un nodule c’est une tumeur. Là, j’avais une tumeur de 7 cm. Voilà. Et à partir du moment où on a trouvé ce que j’avais mon genou et qui était déjà gros, ça continué à gonfler.

It's a very barbaric name, but in fact it's a nodule that forms in your synovium. The synovium is the pocket of fluid that allows your joints to function without hurting you; if you don't have synovium it's because you don't have the lubricant and if you don't have the lubricant it hurts. So I made my tumor in there. In fact, it's a small blood clot that got into my synovium and made a kind of magnet because of my stress and it started to swell and when they found out I had a tumor in the front and in the back of my knee because from a certain number of centimeters it's not a nodule anymore, it's a tumor. There I had a tumor of 7 cm. That's it. And from the moment they found what I had in my knee, which was already big, it continued to swell.

En fait, j’avais fait un déni de tumeur comme certaines peuvent faire un déni de grossesse. Mon genou a triplé de volume. J’ai été suivi par un professeur spécialiste dans ce domaine. Mon cas leur a posé problème parce qu’ils ne savaient pas s’ils m’opéraient d’un endroit et pas de l’autre, en se disant « Si ça grossit à nouveau derrière, là où c’était plus petit, il va falloir qu’elle repasse sur le billard ». Et donc après discussion et poussée par ma cousine qui est médecin j’ai été opérée de l’avant et de l’arrière. C’est-à-dire que quand j’ai été opérée ça faisait 9 cm. C’est gros. Mais le principal c’est que je remarche parce que quand on t’explique tout le système on t’explique que tu vas être opérée mais que tu ne vas pas rentrer chez toi parce qu’il faut que tu réapprennes à marcher. Même si tu vas vivre chez tes parents, ils ne seront pas en mesure de t’aider. Il faut vraiment rentrer dans une structure médicale. Ils savent quand tu rentres, ils ne savent pas quand tu sors (rires). Jamais.

In fact, I had made a tumor denial as some people can make a pregnancy denial. My knee tripled in size. I was followed by a professor who specializes in this field. They had a problem with my case because they didn't know if they were operating on me in one place and not the other, thinking, "If it gets bigger again in the back, where it was smaller, she's going to have to go back to the surgery. And so after discussion and pushed by my cousin who is a doctor, I was operated on from the front and from the back. That is to say that when I was operated it was 9 cm. That's big. But the main thing is that I'm walking again because when they explain the whole system to you, they explain that you're going to have the operation but you're not going to go home because you have to learn how to walk again. Even if you are going to live with your parents, they won't be able to help you. You really have to go to a medical facility. They know when you come in, they don't know when you go out (laughs). They don't know when you go out (laughs).

On sait juste que six semaines après ton opération tu vois le médecin mais entre-temps tu es suivie par un autre médecin qui ne te connaît ni d’Ève ni d’Adam puisque tu es dans un centre spécialisé et c’est assez dur. Donc je me suis faite opérer le 28 janvier 2016, la veille de l’anniversaire de mon papa. Et je n’ai pas bien vécu du tout le fait de louper l’anniversaire de mon papa (rires). J’avais vraiment mal. Marcher était devenu une douleur. J’adore marcher, je suis quelqu’un de dynamique. Quand tu ne peux plus marcher, que tu es avec des béquilles, tu as envie de pleurer tellement ton rythme ralenti, c’est juste un bonheur de passer sur le billard. J’avais une patate d’Enfer quand je me suis réveillée le lendemain. J’étais soulagée. C’était parti.

Anne-Laure dévoile ses cicatrices au genou, vestige d'une bataille médicale.

J’ai passé six semaines à l’hôpital. Seule. Heureusement mes meilleurs potes sont venus, ma maman, ma sœur qui était très présente à ce moment-là. Mon père qui déteste les hôpitaux (rires) a fait l’effort de venir me voir. Je lui en suis reconnaissante parce qu’il ne l’a pas fait pour mes précédentes opérations et j’en avais besoin. J’avais besoin de voir quelqu’un d’autre. En parallèle de ça j’ai découvert que j’avais ma tumeur en même tant que ma tante avait un cancer généralisé sur les os. J’ai réappris à marcher pendant qu’elle était en train de partir. Au moins en avril je marchais correctement. Je vais à ma visite médicale et le médecin me dit « OK. C’est bien ! Vous marchez sans béquille et je ne m’y attendais pas ». Je le vois au mois de juillet pour une visite de routine et à cette occasion il me dit « Je dois vous avouer quelque chose. Moi, je m’attendais à ce que vous quittiez les béquilles entre six et neuf mois voire bien plus tard parce que la plupart des gens c’est au bout de neuf mois qu’ils lâchent les béquilles et ils remarchent correctement sans boiter au bout de 18 mois ». Et là, j’avais quasiment tout récupéré à 100%. En fait, il m’a expliqué que certaines personnes ont une mutation de leurs gènes, donc je suis un mutant (rires). Et j’ai cette faculté qu’ont les grands sportifs à récupérer plus vite. Ça, c’est méga magique. C’est extraordinaire. Il y a peu de gens à qui ça arrive.

I spent six weeks in the hospital. Alone. Luckily my best friends came, my mom, my sister who was very present at that time. My father who hates hospitals (laughs) made the effort to come and see me. I am grateful to him because he didn't do it for my previous operations and I needed it. I needed to see someone else. Along with that I found out that I had my tumor at the same time as my aunt had generalized cancer on her bones. I learned to walk again while she was dying. At least in April I was walking properly. I went to my doctor's appointment and the doctor said, "OK. That's good! You're walking without crutches and I wasn't expecting that". I saw him in July for a routine check-up and at that time he said, "I have to confess something to you. I was expecting you to get off crutches six to nine months or much later because most people get off crutches after nine months and walk properly without limping after 18 months". And by then I had almost 100% recovery. In fact, he explained to me that some people have a mutation in their genes, so I'm a mutant (laughs). And I have this ability that great athletes have to recover faster. That's just magical. It's extraordinary. Not many people get it.

Alors, pour lui c’est 100 % mais pour moi ça ne l’est pas parce qu’en fait j’ai du mal à me mettre à genoux ; je suis insensible sur une partie de ma jambe. Si je touche le côté de ma jambe je ne vais pas le sentir comme toi tu sentirais ta jambe et j’ai une hypersensibilité de ma cicatrice ce qui fait que je ne peux pas rester en appui trop longtemps. Donc quand tu fais les services généraux dans une entreprise et que tu fais du câblage et bien tu rampe mais tu n’es plus à genoux donc tu te retrouves parfois dans des situations cocasses, je tiens à le signaler (rires). C’est la particularité que j’ai et moi qui mettais des chaussures à talons tout le temps, vraiment tout le temps, c’est désormais compliqué. J’ai appris à marcher avec des baskets et plus avec 10 cm de talons. Pour moi je serai guéri à cent pour cent quand je pourrais mettre des talons tous les jours mais pour l’instant ce n’est pas le cas.

So, for him it's 100% but for me it's not because I actually have trouble getting down on my knees; I'm insensitive on part of my leg. If I touch the side of my leg I'm not going to feel it the way you would feel your leg and I have a hypersensitivity of my scar which means that I can't stay in support for too long. So when you are doing general services in a company and you are doing wiring and you are crawling but you are no longer on your knees, you sometimes find yourself in funny situations, I would like to point this out (laughs). That's the peculiarity that I have and I used to wear heels all the time, really all the time, now it's complicated. I learned to walk with sneakers and not with 10 cm heels anymore. For me I will be 100% cured when I can wear heels every day, but for the moment that's not the case.

Cicatrices multiples d'Anne-Laure : parcours médical et force intérieure.

Je suis heureuse car ma tante a pu me voir remarcher avant de partir. Et finalement c’est le plus beau cadeau. On m’a dit il y a quelques temps « Pourquoi ne fais-tu pas effacer ta cicatrice ? Elle est moche. » Moi je ne suis pas d’accord. Ma cicatrice, c’est ma victoire. C’est ma victoire, parce que moi je marche. Je suis sur mes deux jambes alors que j’aurais pu perdre ma jambe. Ma mère a découvert il y a trois mois qu’en fait j’aurais pu la perdre (rires). C’est le principe d’une tumeur mais comme la tumeur n’était pas maligne, qu’il n’y avait pas de risque pour ma vie elle ne s’en est pas rendue compte. On a eu une conversation à table un dimanche où mon père me dit « Tiens, c’est rigolo, j’ai pensé à toi la semaine dernière en regardant Stade 2. Il y avait un jeune sportif qui était interviewé qui était dans l’équipe paralympique. » Je lui ai donc demandé pourquoi et il m’a dit qu’il avait eu exactement la même chose que moi, au même endroit. Exactement la même chose. Sauf que lui l’opération n’a pas fonctionné, il est amputé. Là, j’ai vu ma mère blêmir et me dire « Mais tu ne me l’as jamais dit ! » Et je lui ai répondu « Maman, je n’allais pas te dire que potentiellement j’allais me réveiller sans ma jambe. » Moi, le fait de m’être réveillée avec ma jambe c’était une victoire ! (rires) Je suis entière. J’ai deux jambes. OK, elles ne fonctionnent pas comme je voudrais mais c’est à moi de le faire avec les exercices que je fais tous les jours. C’est entre mes mains. C’est à moi de faire le taf.

I am happy because my aunt was able to see me walking again before she died. And finally it is the most beautiful gift. Some time ago I was told, "Why don't you get your scar removed? It is ugly. » I don't agree. My scar is my victory. It's my victory, because I'm walking. I'm on my own two legs when I could have lost my leg. My mom found out three months ago that I could have lost it (laughs). It's the principle of a tumor but since the tumor wasn't malignant, that there was no risk to my life she didn't realize it. We had a conversation at the dinner table one Sunday when my dad said to me, "That's funny, I thought of you last week when I was watching Stade 2, there was a young athlete who was being interviewed who was on the Paralympic team." So I asked him why and he said he got exactly the same thing I got in the same place. Exactly the same thing. Except that he didn't have the surgery, he's an amputee. There I saw my mother turning pale and saying, "But you never told me!"  And I said, "Mom, I wasn't going to tell you that I was potentially going to wake up without my leg." For me, waking up with my leg was a victory! (laughs) I am whole. I have two legs. Okay, they don't work the way I want them to work, but it's up to me to do it with the exercises I do every day. It's in my hands. It's up to me to do the job.

Anne-Laure montre ses cicatrices au genou, symbole de persévérance.

Thibaut : Et l’autre, c’est quoi ?

And what's the other one? 

Anne-Laure : Je me suis faite opérer de la poitrine à 22 ans pour une réduction mammaire. La vraie histoire commence quand j’ai 14 ans. À 14 ans, j’étais en 3ème, j’étais une grande, je suis à table à la cantine comme on peut tous être à table à la cantine et j’entends un petit con de 6ème dire « Au viol ! » parce qu’un copain lui prenait la tête et frottait sa main dessus. Et là je tique, je me retourne et je lui dis « Mais tu ne sais pas ce que c’est en fait donc tu arrêtes. Il ne faut pas crier au loup quand ce n’est pas ce qu’il se passe ». Et mes copines me trouvent un peu véhémente. Je les regarde et je leur dis « J’ai été violée ».

I had breast surgery at the age of 22 for a breast reduction. The real story begins when I am 14 years old. When I was 14, I was in 3ème, I was older than most, I'm at the canteen table like we can all be at the canteen table and I hear a little idiot in 6ème say "Rape!" because a friend was taking his head and rubbing his hand on it. And then I tick, I turn around and I say to him « You don't know what it is, so stop this now. You shouldn't cry wolf when that's not what's going on." And my girlfriends thought I was a bit vehement. I look at them and I told them, "I was raped".

En fait, voir ce gamin m’a fait un flashback. Je me suis rappelée de ce qu’il m’était arrivé quand j’avais 10 ans. J’étais en CM2. Le grand-père de mes cousins m’a violé. Ma sœur a tendance à dire que c’est une agression sexuelle. Moi, je ne suis pas du tout d’accord parce qu’à partir du moment où tu portes atteinte à l’intégrité d’un enfant, que ce soit un garçon ou une fille, à partir du moment où tu as fait des attouchements sexuels plus que poussés c’est un viol. Parce que c’est un viol de sa personne, de son intégrité. C’est la perte totale de son innocence, de son enfance. Moi je l’ai occulté à ce moment-là. Ma mère s’est rendue compte qu’il se passait quelque chose et m’a dit « Je te promets qu’il ne remettra plus jamais les pieds dans la maison », mais elle ne sait pas ce qu’il s’est passé. Je l’ai jamais trop dit à mes parents parce que je n’avais pas envie qu’ils le sachent. Mais quand tu as 10 ans et que ton premier baiser c’est un vieux parce que quand tu as 10 ans et que le mec doit en avoir 65 c’est juste glauquissime.

In fact, seeing this kid gave me a flashback. I remembered what happened to me when I was 10 years old. I was in CM2. My cousins' grandfather raped me. My sister tends to say it's a sexual assault. I don't agree at all because if you violate the integrity of a child, whether it's a boy or a girl, if you touch a child, it's rape. Because it's a rape of his or her person, of his or her integrity. It is the total loss of his or her innocence, of his or her childhood. I concealed it at that moment. My mother realized that something was going on and said, "I promise you that he will never set foot in the house again », but she doesn't know what happened. I never told my parents too much because I didn't want them to know. When you're 10 and your first kiss is from an old person because when you're 10 and the guy has to be 65 it's just creepy.

Et puis il ne s’est pas arrêté à un bisou comme on peut faire. C’est pour ça que pour moi j’ai perdu beaucoup de choses ce jour-là. J’ai aussi gagné quelque chose : je suis devenue plus forte mais je m’en serais royalement passer (rires).

And then he didn't stop at a kiss as one can do. That's why for me I lost a lot that day. I also gained something: I became stronger but I could have done without it (laughs).

J’ai oublié. J’ai fait ce choix d’oublier. Mais à 14 ans ça m’est revenu dans la gueule. Et là il faut vivre avec. Il faut réapprendre à vivre. Et pendant de nombreux mois, de nombreuses années. Si ma maman ne s’était pas battue pour moi je pense que je ne serais pas celle que je suis. Parce qu’elle s’est battue pour que je réapprenne à être touchée car je ne supportais pas le contact des autres et en même temps j’ai eu la chance d’avoir un petit frère qui est né un mois après mes 14 ans. Quand je m’en suis souvenue c’était aux alentours de Pâques. Moi je suis née en août, lui en septembre et c’était le mois d’avril suivant. Je pense que mon frère m’a sauvé parce qu’il y a une telle innocence chez les bébés que tu ne peux que te laisser approcher par eux ; tu ne peux que te laisser émerveiller. Il ne le sait pas mais il a 19 ans aujourd’hui et ça a été ma béquille (pleurs).

I forgot. I made the choice to forget. But when I was 14 years old, it came back to me. And now I have to live with it. You have to learn how to live again. And for many months, many years. If my mom hadn't fought for me I think I wouldn't be the person I am. Because she fought so that I could learn how to be touched again because I couldn't stand the contact of others and at the same time I was lucky enough to have a little brother who was born a month after I was 14. When I remembered it was around Easter. I was born in August, he was born in September and it was the following April. I think my brother saved me because there is such innocence in babies that you can only let yourself be approached by them; you can only let yourself be amazed. He doesn't know it but he is 19 years old today and he was my crutch (crying).

Cicatrices de mastectomie d'Anne-Laure : symboles de victoire contre la maladie.

Et donc j’ai avancé. Seulement quand tu t’en rends compte comme ça tu veux te protéger. J’avais un peu commencé avant parce qu’en 6ème j’avais une copine dont le seul but était de se faire embrasser par les garçons et moi je ne voulais pas du tout attirer le regard. J’avais un peu commencé à manger alors que je n’avais pas du tout cette morphologie là. Mais quand ça m’est revenu dans la gueule j’ai bouffé, bouffé, bouffé pour oublier. Donc je me suis protégée.

And so I went forward. Only when you realize it like this you want to protect yourself. I had started a bit earlier because in 6ème I had a girlfriend whose only goal was to be kissed by boys and I didn't want to attract attention at all. I had started to eat when I didn't have that body type at all. But when it came back in my face I ate, ate, ate to forget. So I protected myself.

Seulement, là où j’ai foutu le plus de kilos c’est dans ma putain de poitrine parce que l’endroit qu’il a le plus sali finalement c’est ma poitrine. C’est là qu’il s’est le plus acharné en fait. Je me souviens que j’avais des bleus sur les seins. Ce qui m’a sauvé aussi c’est le fait que mes parents me disent « Ton corps t’appartient » et quand il a mis sa main dans ma culotte, ça, ça m’a permis de lui donner un coup.

Only, where I put the most weight is in my fucking chest because the place he forced himself on me te most was my chest. That's where he did the most damage, actually. I remember I had bruises on my breasts. What also saved me was the fact that my parents said, "Your body is yours" and when he put his hand in my panties, that allowed me to give him a punch.

On était devant la télé. On regardait un gala de patinage artistique. Ma sœur et mes cousins étaient montés et moi j’étais restée parce que j’aimais bien ça et là il en a profité. Il y avait sa femme dans la pièce d’à côté et la porte n’était pas fermée. J’ai donné un coup et je me suis barrée. Après, j’ai réussi à monter et il m’a foutu la paix. Donc voilà je me suis retrouvée à gonfler de partout et de mes seins en particulier. Sauf que quand t’as 20 ans, tu as envie de changer parce que ça fait des années que tu es en psychothérapie. J’ai fait une psychanalyse au départ car mon généraliste était devenu psychiatre et qu’il avait accepté de me prendre. C’est lui qui m’a aussi appris que si moi j’ai le droit d’avoir un regard d’envie vis-à-vis des hommes, les hommes ont aussi cette possibilité et il ne faut pas que je le prenne comme une agression et juste que je sache remettre les choses en place. C’est à moi d’accepter ou pas. Ça, c’est lui qui me l’a appris.

We were in front of the TV. We were watching a figure skating gala. My sister and my cousins went up and I stayed because I liked it and he took advantage of it. There was his wife in the next room and the door was unlocked. I punched him and left. Afterwards, I managed to go upstairs and he left me alone. So there I was, I found myself swelling all over the place and my breasts in particular. Except that when you're 20 years old, you want to change because you've been in psychotherapy for years. I did a psychoanalysis at the beginning because my general practitioner had become a psychiatrist and he agreed to take me. He also taught me that if I have the right to look at men with envy, men also have this possibility and I must not take it as an aggression and just know how to put things back in place. It's up to me to accept or not. He taught me that.

Vers 20/21 ans, j’étais en Master. J’avais envie de plaire et de me sentir bien dans mon corps. Je faisais du 48 voire 50 en tour de taille, en terme de veste je devais être à 52. J’avais envie d’autre chose parce que ce corps-là n’était pas celui auquel j’aspirais. Donc je prends la décision de me faire réduire la poitrine. Il se trouve qu’à ce moment-là la filleule de mon papa était avec un chirurgien esthétique, plasticien. Elle m’a donné ses coordonnées et je prends la décision de l’appeler le 1er janvier. C’est très symbolique. 1er janvier 2006. Je l’appelle et il me dit qu’il veut bien me recevoir. J’y vais avec ma maman qui est très souvent dans ma vie tu remarqueras. Il me dit « OK je suis d’accord pour t’opérer mais il faut que tu perdes un peu de poids. Je comprends parfaitement. Je comprends ton besoin de changer. Je comprends quels sont les enjeux par rapport à ta poitrine ». Parce que moi par exemple quand j’allais à la salle de sport la seule chose que je voyais c’était mes seins. Je les détestais. J’étais tellement dans une haine de ma poitrine que je n’étais pas très gentille avec moi-même.

Beautiful Scars : les marques de chirurgie d'Anne-Laure, témoins de sa force.

Around the age of 20/21, I was in the Master's program. I wanted to be attractive and to feel good in my body. I was 48 or even 50 in waist circumference, in terms of jacket, I must have been at 52. I wanted something else because this body was not what I wanted. So I made the decision to have my breasts reduced. It so happened that at that time my father's goddaughter was with a plastic surgeon. She gave me her contact information and I made the decision to call her on January 1st. It's very symbolic. January 1, 2006. I call him and he tells me that he wants to see me. I go there with my mom who is very often in my life, you will notice. He says, "OK, I agree to do the surgery, but you have to lose a little weight. I understand perfectly. I understand your need to change. I understand what's at stake with your breasts." Because for example, when I went to the gym the only thing I saw was my breasts. I hated them. I hated my breasts so much that I wasn't very nice to myself.

En septembre, il me dit « C’est bon ! On y va ! ». Je suis opérée le 20 septembre 2006. Une semaine après il ouvre les pansements et il me dit « Aaaaah ! Nous avons un joli pyocyanique ». Le pyocyanique est une bactérie mangeuse de chair. Donc là, l’opération avait réussi et était magnifique sauf que j’ai attrapé une bactérie. On ne saura jamais pourquoi. C’est le jeu. C’est la roue de la chance. Voilà. Ce n’est pas forcément à l’hôpital parce que j’ai pu l’attraper chez moi. Il ne savait pas que j’avais un lapin à l’époque et que les lapins sont les animaux les plus vecteurs de cette bactérie (rires). Donc pendant 6 mois on a fait une bataille. Pendant 6 mois j’ai été le lundi, le mercredi et le vendredi à l’hôpital et avec plusieurs infirmières, mon chirurgien, les internes, etc. On ouvre les pansements. On vérifie que le sein gauche ça va, puis on se pose sur le sein droit. Il y a une mèche qui part du haut de mon sein et qui va jusqu’en bas de mon sein. Moi, je n’ai pas du tout mal vécu cette période ; en revanche, ce que j’ai mal vécu c’est l’odeur que je dégageais parce qu’en fait tu sens le cadavre (rires).

In September, he said to me, "That's good! Let's do it!". I had surgery on September 20, 2006. A week later he opened the bandages and said "Aaaaah! We have a nice pyocyanic". Pyocyanic is a flesh-eating bacterium. So there, the operation was successful and was beautiful except that I caught a bacteria. We'll never know why. That's the game. It's the wheel of luck. It wasn't necessarily at the hospital because I was able to catch it at home. He didn't know that I had a rabbit at the time and that rabbits are the animals that carry the bacteria the most (laughs). So for 6 months we fought a battle. For 6 months I was in the hospital on Mondays, Wednesdays and Fridays and with several nurses, my surgeon, the interns, etc. We opened the bandages. We check that the left breast is ok, then we put it on the right breast. There is a drill bit that goes from the top of my breast to the bottom of my breast. Me, I did not live this period badly at all; on the other hand, what I lived badly is the smell that I gave off because in fact you smell like a corpse (laughs).

Je ne peux pas le dire autrement. Tu pues la mort ! (Rires) Ton sein est en train de se décomposer. J’ai niqué beaucoup de pulls. Ma mère a découvert le Sanytol grâce à ça. La lessive de pulls à 90 parce qu’il n’y avait pas d’autres choix que de laver les pulls à 90 pour pas que je me recontamine ou que je contamine une autre partie de mon corps. Ma mère, patiemment, est rentrée avec moi dans le bureau tous les jours où j’étais à l’hôpital, s’est assise, sans jamais me montrer à quel point j’étais dans une situation critique. Moi, je ne regardais pas ce que le personnel soignant faisait. Je parlais avec eux mais je n’ai jamais voulu voir ce que eux faisaient. Je me disais que je regarderai quand ça serait fini. Et là, pour le moment je n’avais pas le choix, il fallait que je subisse.

I can't put it any other way. You stink of death! (Laughs) Your breast is decomposing. I fucked a lot of sweaters. My mother discovered Sanytol because of that. Washing sweaters at 90 because there was no choice but to wash the sweaters at 90 so I wouldn't recontaminate myself or contaminate another part of my body. My mother, patiently, went into the office with me every day I was in the hospital, sat down, never showing me how critical I was. I didn't look at what the health care workers were doing. I would talk to them but I never wanted to see what they were doing. I told myself that I would watch when it was over. And right then, at the moment, I had no choice but to endure.

Je me suis dit une fois « Là, ça pue ». C’était 4 semaines après mon opération. J’attendais Sélim, mon chirurgien que je connais très bien maintenant, qui était à la bourre (il n’a jamais perdu cette habitude). Ça faisait 3h que j’attendais avec ma sœur ou une amie. C’était un peu long. À un moment, son interne qui était là à mon opération s’est dit « Bon, si c’est que son pansement à changer je vais le faire pour qu’elle n’attende pas plus ». Je m’installe. Il enlève mon pansement. Et là, il devient vert. Il remet tout de suite mon pansement et il part. C’est le seul moment où j’ai eu un poil d’inquiétude. C’était avant que la mèche ne fasse un aller/retour dans ma poitrine. Je me suis dit qu’il y avait un problème cette fois-là.

Cicatrices d'Anne-Laure : beauté et résilience après de nombreuses opérations.

I once said to myself, "Now it stinks". It was 4 weeks after my operation. I was waiting for Sélim, my surgeon whom I know very well now, who was in a hurry (he never lost this habit). I had been waiting for 3 hours with my sister or a friend. It was a bit long. At one point, his intern who was there at my operation thought, "Well, if it's her bandage that needs changing, I'll do it so she won't have to wait any longer". I'm settling in. He removes my bandage. And then he turns green. He immediately puts my bandage back on and leaves. That's the only time I had a bit of worry. It was before the drill bit went back and forth in my chest. I thought there was a problem that time.

Ça a été une bataille pour enlever le pyocyanique avant que moi j’y passe parce que mine de rien c’était au-dessus de mon cœur. Ils ont gagné sinon je ne serais pas là (rires). Ça c’est cool ! Et après il y a eu la phase de reconstruction. Et ce n’est pas facile à entendre quand tu te fais enlever de la poitrine qu’il va peut-être falloir en remettre un peu. Et quand il me dit ça en février pour m’opérer fin mars/début avril je lui dis « No way ! Jamais tu ne me mettras du silicone mon gars ! Jamais. » Il a eu l’intelligence de m’opérer, de réduire le tissu cicatriciel, de refermer sans mettre de silicone.

It was a battle to remove the pyocyanic before I die because it was above my heart. They won or I wouldn't be here (laughs). Now that's cool! And then there was the reconstruction phase. And it's not easy to hear when you get your chest removed that you might have to put some back in. And when he tells me that in February to operate on me at the end of March/early April I tell him "No way! You'll never put silicone on me man! Never. » He was smart enough to do the surgery, to reduce the scar tissue, to close without using silicone.

L’interne qui m’avait suivi m’a dit « Je ne te laisse pas le choix Anne-Laure, il faut que tu regardes. Il faut que tu regardes parce que tu vas devoir apprendre à vivre avec cette cicatrice. »

Je me souviens que j’ai eu ma cousine, qui est médecin, deux jours après et je lui ai dit « Tu sais Isa, je sais qu’un homme restera avec moi, qu’il m’aimera, quand il ne regardera pas ma cicatrice. Parce que très sincèrement, si j’enlève mon t-shirt et qu’il fuit c’est que ce n’est pas quelqu’un pour moi ». On en a reparlé plus tard et elle m’a dit que j’avais été d’une grande violence par rapport à ton propre corps. Mais c’est une réalité, quand tu as une cicatrice qui fait à peu près 5 cm de large et qui fait tout le sein. C’est dur. En juillet, au moment où on commence à remettre les petites tops, je me rends compte que mon sein est bombé sur le dessus et qu’il n’y a plus rien en dessous. C’est le moment où les chairs commencent à reprendre leur place donc tu tâtes. Septembre arrive avec la visite de routine. Je lui ai dit « Sélim, il y a moyen qu’on fasse quelque chose ? Parce que je n’ai plus de seins en fait ». Il avait essayé de me le dire mais je ne l’avais pas écouté. La seule solution c’était le silicone, les prothèses (rires).

The intern who had followed me said, "I don't leave you the choice Anne-Laure, you have to look. You have to look because you're going to have to learn to live with this scar." I remember I had my cousin, who is a doctor, two days later and I said, "You know Isa, I know a man will stay with me, love me, when he doesn't look at my scar. Because, very sincerely, if I take off my shirt and he runs away, it is because he is not someone for me". We talked about it later and she told me that I had been very violent towards your own body. But it's a reality when you have a scar that's about 5 cm wide and it's all over your breast. It's hard. In July, when we start putting the little tops back on, I realize that my breast is bulging on top and that there is nothing underneath. It's the moment when the flesh starts to take its place again so you feel it. September comes with the routine visit. I said to him "Sélim, is there any way we can do something? Because I don't have breasts anymore". He tried to tell me but I didn't listen. The only solution was silicone, prostheses (laughs).

Je suis donc faite opérer une 3ème fois pour réduire le tissu cicatriciel mais aussi pour mettre des prothèses mammaires. Ils sont obligés d’en mettre dans les deux même si tu n’as perdu qu’un sein, sinon il y a un déséquilibre. Il m’a dit « Je l’ai joué safe. Je t’en ai laissé un peu plus du côté qui n’est pas malade car t’es quand même foutue de me faire la même chose de l’autre côté donc j’ai joué la sécurité (rires) ».

So I had a third operation to reduce the scar tissue but also to put in breast prostheses. They have to put them in both even if you have only lost one breast, otherwise there is an imbalance. He said, "I played it safe. I left you a little bit more on the side that isn't sick because you can't do the same thing to me on the other side, so I played it safe (laughs)".

Six mois plus tard tu as toujours les visites de routine pour vérifier que tout va bien. Il m’a dit qu’il voulait réduire encore mon tissu cicatriciel car il était vraiment très important. En plus, quand on fait une réduction mammaire on calcule la place de tes aréoles par rapport à tes seins. Sauf que mes aréoles se retrouvaient à sortir de tous mes t-shirts puisqu’elles étaient en haut des seins. Il a donc fallu les descendre. On les a donc descendues et on a refait le tissu cicatriciel (rires). Ça, c’était la 4ème opération.

Six months later you still have routine visits to check that everything is okay. He told me that he wanted to reduce my scar tissue even more because it was really important. In addition, when we do a breast reduction we calculate the position of your areolas in relation to your breasts. Except that my areolas would end up coming out of all my t-shirts because they were on top of my breasts. So we had to take them down. So we had to take them down and redo the scar tissue (laughs). That was the fourth surgery.

Je refais ma visite au bout d’un an. Il me dit « Tu sais ce que je veux te dire mais tu n’es pas prête à l’entendre ». Je lui ai dit que c’était le cas. Je reviens un an après et il me demande si je suis prête. Je lui dis « Je suppose qu’il faut réduire une partie du tissu cicatriciel ». Il m’a dit oui, parce qu’en fait ça a merdé sur le haut et j’ai de la peau de téton au milieu de la cicatrice. On ne sait pas pourquoi ça a repoussé là. Dans la bataille j’ai aussi perdu mon aréole en partie car elle a repoussé bizarrement. Et donc 5ème opération en janvier 2013 que je devais faire le 10. On m’appelle alors que j’étais en train de me passer de la bétadine chez moi (il faut le faire chez soi puis à l’hôpital). J’étais sous la douche de bétadine et on m’appelle pour me dire que mon opération est repoussée. Là, j’ai craqué mais il ne pouvait vraiment pas me prendre. J’ai été opérée la semaine d’après et on m’a enlevé une grosse partie de mon tissu cicatriciel ; ce qui fait que j’ai des seins avec des cicatrices qui ressemblent à des ancres marines parce que mes cicatrices partent sous les aisselles puisque ma poitrine allait jusque sous mes aisselles avant, ça monte jusqu’au milieu des seins -ça c’est pour réduire-, et ensuite c’est autour des aréoles parce qu’il a fallu les baisser. J’ai donc de magnifiques ancres marines sur mes seins. Voilà.

I came back after a year. He says, "You know what I want to tell you but you're not ready to hear it." I told him that I wasn't. I came back a year later and he asked me if I was ready. I said, "I guess some of the scar tissue needs to be reduced". He said yes, because it actually messed up on the top and I have nipple skin in the middle of the scar. We don't know why it grew back there. In the battle I also lost my areola partly because it grew back weirdly. And so the 5th surgery in January 2013 that I had to do on the 10th. I was called while I was going showering with betadine at home (you have to do it at home and then at the hospital). I was in the betadine shower and they call me to tell me that my surgery has been postponed. There I cracked but he really couldn't take me. I was operated on the following week and they removed a large part of my scar tissue; so I have breasts with scars that look like marine anchors because my scars go under my armpits since my breasts used to go up to my front armpits, it goes up to the middle of my breasts -that's to reduce-, and then it's around the areolas because they had to be lowered. So I have beautiful marine anchors on my breasts. That's it.

Thibaut : Et aujourd’hui quand tu vois tes cicatrices tu penses à quoi ?

And today when you see your scars, what do you think about?

Anne-Laure : Je pense que je suis vivante. Et ça c’est un cadeau énorme que la vie te fait. Je suis croyante et je pense aussi que si je ne l’étais pas je ne sais pas si j’aurais aussi bien réagi. Il y a un très beau poème qui parle d’un homme qui marche sur la plage où il y a deux séries de pas. À un moment il se retourne et il n’y en a plus qu’une. Et il demande « Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Le Seigneur lui répond « Je ne t’ai pas abandonné. Là où il n’y a qu’une série de pas c’est que je t’ai pris dans mes bras ». Ce poème, cette prière, m’a beaucoup apporté dans les moments de doute. Ça n’a pas été rose tous les jours. Ça a été très compliqué pour moi. La première fois que j’ai dû me déshabiller devant un mec suite à mes opérations ça a été dur. Et puis j’étais vierge… Enfin, aussi vierge que tu puisses l’être par rapport à ce qui m’est arrivé. Je suis tombé sur un con mais ça c’est un autre problème.

Beautiful Scars : les cicatrices thoraciques d'Anne-Laure, marque de courage.

I think I'm alive. And that is a huge gift that life gives you. I am a believer and I also think that if I wasn't I don't know if I would have reacted as well. There is a beautiful poem about a man walking on the beach where there are two sets of steps. At one point he turns around and there is only one. And he asks, "Lord, why have you forsaken me? ». The Lord answers, "I have not forsaken you. Where there is only one set of steps is that I have taken you into my arms." This poem, this prayer, has brought me a lot in moments of doubt. It has not been pink every day. It was very complicated for me. The first time I had to undress in front of a guy after my surgeries it was hard. And then I was a virgin... Well, as virgin as you can be compared to what happened to me. I ran into a jerk, but that's another problem.

Ma première fois a été un cauchemar. Le mec était narcissique, manipulateur mais j’étais amoureuse, j’avais 17 ans. C’est le fils des meilleurs amis de mes parents, bref. Pour moi c’était quelque chose de stable parce que quand tu es blessée par la vie comme j’ai pu l’être quand j’étais plus jeune c’est très difficile de faire confiance aux hommes. Moi, les mecs que je connaissais dans mon entourage je les connaissais depuis le primaire ; donc tu fais primaire, collège, lycée avec eux. Ils m’ont vu m’écrouler en 3ème parce que forcément ça fait vite le tour du collège. Et quand t’arrives au lycée t’es la fille qui a craqué au collège et t’es la fille qui est pas normale. J’avais une poitrine énorme ; un sein c’était le tour de ma tête, faut remettre dans le contexte, je faisais du 115G à l’époque. Aujourd’hui, je ne fais pas le 95C que je voulais, mais du 95E à cause de tout ce que je t’ai raconté. Mais ces mecs m’ont toujours vu comme quelqu’un de bizarre, forte oui, mais dans tous les sens du terme. Donc quand tu as quelqu’un avec qui tu as passé ton enfance, qui t’aime bien, qui en a rien à foutre de ton surplus de poids, bah c’est très facile de tomber amoureuse. Ce n’est pas forcément la meilleure personne, mais c’est très facile. Et puis il s’est trouvé qu’à un moment lui était seul, moi j’étais seule, on était très proche l’un de l’autre et ce n’était pas forcément pour les meilleures raisons. En tout cas moi j’étais amoureuse je pense. Enfin, comme tu peux être amoureuse à cette époque-là et voilà. Donc ça se passe mal. Forcément tu te méfies après.

My first time was a nightmare. The guy was narcissistic, manipulative, but I was in love, I was 17. He was the son of my parents' best friends, in short. For me it was something stable because when you are hurt by life as I was when I was younger it is very difficult to trust men. I, the guys I knew in my entourage, I knew them since primary school; so you go to primary school, middle school, high school with them. They saw me fall apart in 3ème because it's inevitably easy to go around the middle school. And when you get to high school, you're the girl who broke down in middle school and you're the girl who's not normal. I had a huge chest; one breast was the size of my head, you have to put it in context, I was doing 115G at the time. Today, I don't do 95C that I wanted, I do 95E because of everything I told you. But these guys have always seen me as a weird person, strong yes, but in every sense of the word. So when you have someone you spent your childhood with, who likes you, who doesn't give a shit about your excess weight, well it's very easy to fall in love. It's not necessarily the best person, but it's very easy. And then it turned out that at one point he was alone, I was alone, we were very close to each other and it wasn't necessarily for the best reasons. In any case, I was in love, I think. Well, as you can be in love at that time, there you go. So it doesn't go well. You're necessarily suspicious afterwards.

Et puis dans le cadre du travail, quand tu bosses 9h par jour à côté de ton DA qui a énormément d’humour, qui te permet d’enfin accepter les autres, d’aller vers les gens, en parallèle de la psychothérapie bien sûr (j’ai arrêté la psychothérapie à 31 ans, ça fait 16 ans de psychothérapie). Et puis je tombe amoureuse de lui parce que c’est facile. Il n’est pas du tout comme moi, il n’est pas dans les principes judéo-chrétien. Mais lui n’est pas du tout amoureux de toi. J’ai changé de travail et je suis tombé sur un mec qui y est allé très franco. J’ai fini par craquer pour lui car il m’apportait de l’attention et c’était cool. À part le boulot je n’avais pas grand chose à ce moment-là. Je me suis rendu compte assez rapidement que c’était un sale con. Mais entre ça et Alex (56 ans à l’époque), le prof d’escrime de mon frère, rien du tout. Ça faisait des années qu’il me draguait. Mon frère fait de l’escrime depuis qu’il a 4 ans donc t’imagines bien qu’il est dans mon entourage depuis longtemps. Il tombe à un moment où j’ai besoin de me rassurer. Mon médecin me dit « C’est bien, je t’ai opéré mais il faudrait peut-être que ça serve » et mon gynécologue une semaine plus tard « Tiens, il y a de la poussière » (rires). J’adorais cet homme. Il est parti à la retraite. C’est lui qui m’a mise au monde donc ça crée des liens. Je parle de tout ça à ma psy qui m’a dit qu’ils avaient raison (rires). Et j’ai craqué pour Alex. Il m’a fait me sentir tellement bien, mais tellement bien que je me suis acceptée telle que j’étais. Il m’a juste dit que j’étais belle et ça m’a débloqué. Une femme a besoin d’entendre ces mots-là. Une femme abîmée a encore plus besoin d’entendre ces mots-là ! Je te la fais courte : c’était bien une nuit mais c’était tout. Mais merci Alex ! Franchement merci ! Il m’a libéré. C’est pas pour autant que j’irais vers quelqu’un que je ne connais pas, ça j’en suis incapable. J’ai beaucoup de mal. J’ai besoin de connaître la personne. Un coup d’un soir je sais faire, mais j’ai besoin de connaître la personne, de me sentir bien. C’est plus qu’évident que c’est lié à mon passé.

And then at work, when you work 9 hours a day next to your Art Director who has a lot of humor, who allows you to finally accept others, to go towards people, in parallel with psychotherapy of course (I stopped psychotherapy at 31 years old, that's 16 years of psychotherapy). And then I fell in love with him because it was easy. He was not at all like me, he was not in the Judeo-Christian principles. But he was not in love with me at all. I changed jobs and I came across a guy who was very forward with me. I ended up falling for him because he gave me attention and that was cool. Other than work I didn't have much at the time. I realized pretty quickly that he was an asshole. But between that and Alex (56 at the time), my brother's fencing teacher, nothing. He had been hitting on me for years. My brother has been fencing since he was 4 years old so you can imagine that he's been around me for a long time. He comes at a time when I need to reassure myself. My doctor tells me "It's good, I operated on you but maybe it should be used" and my gynecologist a week later "Look, there is dust" (laughs). I loved that man. He retired. He gave birth to me, so it creates bonds. I talked to my shrink about all this and she told me they were right (laughter). And I fell in love with Alex. He made me feel so good, but so good that I accepted myself for who I was. He just told me I was beautiful and it unlocked me. A woman needs to hear those words. A damaged woman needs to hear those words even more! I'll make it short: it was one night, but that was it. But thank you Alex! Thank you so much! He set me free. That doesn't mean that I would go to someone I don't know, I'm incapable of that. I have a lot of troubles. I need to know the person. I can do a one-night stand, but I need to know the person, to feel good. It's more than obvious that it has something to do with my past.

Thibaut : Et quand tu vois des cicatrices chez les autres, qu’est-ce que ça te fait ?

And when you see scars in others, what do you care? 

Anne-Laure : Mal pour les gens. Mal pour eux parce que parfois tu vois des cicatrices sur des visages et tu te dis… Les gens ne sont pas respectueux. J’ai vu la réaction des gens par rapport à ma jambe et je me dis que sur un visage tu le portes directement, c’est comme une tache de vin. Tu le montres. La première fois que je suis retourné au travail il a fallu que je montre ma cicatrice parce qu’on a cru que j’étais en vacances pendant 2 mois. Je me suis mise en jupe et on la voyait. Quelqu’un dans le métro me fixait, je lui ai souri et je lui ai dit « Vous savez, vous n’avez pas vu le derrière. C’est encore plus impressionnant. » Et elle s’est sentie toute gênée. Je me suis excusée pour mon agressivité car je me sentais agressive et elle s’est excusée de m’avoir fixé de cette façon. C’était la première fois que je la montrais hors du contexte hospitalier. Du coup, j’essaie de faire attention aux gens parce que c’est difficile tout simplement. Celle sur ma poitrine, à moins d’être à poil ou à la piscine elle ne se voit pas. Celle sur ma jambe tu la vois directement. Et puis, il n’y pas seulement le côté où j’ai mal pour eux, il y a aussi celui où j’aimerais savoir ce qu’il y a derrière parce qu’il y a toujours une histoire.

Bad for people. Bad for them because sometimes you see scars on their faces and you think... People are not respectful. I've seen the reaction of people to my leg and I think that on a face you wear it directly, it's like a wine stain. You show it. The first time I went back to work I had to show my scar because people thought I was on vacation for 2 months. I put myself in a skirt and it was visible. Someone in the subway was staring at me, I smiled at her and I said "You know, you didn't see the backside. That's even more impressive." And she felt embarrassed. I apologized for being aggressive because I was feeling aggressive and she apologized for staring at me like that. It was the first time I showed it outside of the hospital setting. As a result, I try to pay attention to people because it's just difficult. The one on my chest, unless I'm naked or at the pool it doesn't show. The one on my leg you can see it directly. And then, it's not only the fact that it makes me hurt for them, it's also the fact that I'd like to know what's behind it because there's always a story.

Tous les jours je croise un monsieur dans le métro à République qui a une énorme cicatrice sur son mollet. Je me demande ce qui l’a conduit à ça. À priori il lui manque une partie du muscle. C’est quoi l’histoire ? On en a tous des cicatrices. J’ai délicatement caressé la résistance de mon four en faisant des pommes au four. C’est une petite cicatrice de rien du tout. J’ai une mini cicatrice sur mon genou droit qui est due à une chute d’une rampe sur du gravier parce que l’on chahutait avec ma soeur. C’est ma cousine en internat à l’époque qui m’a désinfecté et qui m’a dit sur le moment que des points n’auraient pas été de trop. On a tous des petites histoires. Je fais attention quand l’autre à une cicatrice mais je refuse de baisser les yeux devant une cicatrice car c’est renier une partie de l’histoire de la personne et ça c’est pas possible. C’est hyper important. La personne on la prend dans son intégralité : cicatrice ou pas, anomalie physique ou pas. Elle a besoin d’être prise dans son intégralité. Avec quelque chose ou pas, il faut respecter l’autre. Je pense que notre société l’a beaucoup oublié. C’est pour ça que je remercie les gens comme toi qui nous rendent notre humanité.

Every day I pass a man in the subway at République who has a huge scar on his calf. I wonder what led him to that. It seems that he is missing part of the muscle. What's the story? We all have scars. I delicately caressed the resistance of my oven while making baked apples. It's a small scar from nothing. I have a small scar on my right knee from falling off a ramp onto gravel because my sister and I were heckling. It was my cousin at boarding school at the time who disinfected me and told me at the time that some stitches would not have been too much. We all have little stories. I pay attention when the other one has a scar but I refuse to look down in front of a scar because it is denying a part of the person's history and that is not possible. It's very important. The person is taken as a whole: scar or not, physical anomaly or not. It needs to be taken in its entirety. With something or not, the other person must be respected. I think that our society has forgotten this a lot. That's why I thank people like you who give us back our humanity.

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Matthias