Paul : Cicatrices, corps et vulnérabilité.

Entre douleur et résilience, découvrez l'histoire vraie d'un homme qui apprend à s'accepter, à travers un récit intime et sans filtre sur les marques de la vie, du poids et des émotions.

Paul: Scars, body and vulnerability.

Between pain and resilience, discover the true story of a man who learns to accept himself, through an intimate and unfiltered account of the marks of life, weight and emotions.

Cicatrices de perte de poids : portrait intime des hanches de Paul, témoignage de résilience.

Thibaut : Bonjour, comment est-ce que tu t’appelles ?

Hi, what's your name?

Paul : Je m’appelle Paul.

My name is Paul.

Thibaut : Et dis-moi Paul, c’est quoi tes cicatrices ?

And tell me, Paul, what are your scars?

Paul : Elles viennent de mon adolescence quand ma mère m’a mis au régime en 6ème et je n’ai cessé depuis de perdre et de prendre du poids. Je suis monté jusqu’à 116 kg. Je suis descendu jusqu’à 76 kg. Je fais 1,80 m. Et mon corps a été très abîmé à chaque fois. Et tous les matins je me douche. Et tous les matins je passe devant. Et tous les matins j’y pense. Et tous les matins je les déteste. Ça ne pourrait regarder que moi mais il y a des fois où on est obligé d’être tout nu, comme à la plage, dans les mains d’autres personnes : des médecins, parfois dans les mains d’amants de passage qui veulent me caresser. Ils passent dessus et j’en frémis ou dans les mains d’amants qui veulent faire l’amour les lumières allumées et je ne peux pas. Et c’est un poids. Par exemple quand je vais rencontrer quelqu’un que je n’ai jamais vu, je me dis « Tiens, si on doit faire l’amour, comment je vais vivre avec ça ? ». Et c’est une double contrainte parce que non seulement, elles, je ne les supporte pas, je les trouve immondes et elles ne partiront jamais, mais en plus si l’autre n’y fait pas attention, et ils n’ont jamais eu de problème avec ça, je le vis encore plus mal parce que j’ai l’impression qu’elles n’existent pas. Donc je n’en parle pas, je n’en parle jamais et si on devait en parler ce serait extrêmement douloureux. Voilà, je sais que c’est très paradoxal ce que je viens de dire.

They come from my teenage years when my mother put me on a diet in 6th grade and I've been losing and gaining weight ever since. I've gone up to 116 kg. I've gone down to 76 kg. I'm 1,80 m tall. And my body has been very damaged every time. And every morning I take a shower. And every morning I walk past it. And every morning I think about it. And every morning I hate them. It could only be my business, but there are times when you have to be naked, like on the beach, in the hands of other people: doctors, sometimes in the hands of passing lovers who want to caress me. They pass over me and I shudder or in the hands of lovers who want to make love with the lights on and I can't. I can't do it. And it's a burden. For example, when I meet someone I've never seen before, I say to myself, "Well, if we have to make love, how am I going to live with that? ». And it's a double constraint because not only do I find them unbearable, I find them filthy and they'll never leave, but also if the other person doesn't pay attention to them, and they've never had a problem with that, it's even worse for me because I have the impression that they don't exist. So I don't talk about it, I never talk about it, and if we had to talk about it it would be extremely painful. I know that what I just said is very paradoxical.

Vergetures masculines : hanches de Paul, les marques d'un parcours de transformation.

Thibaut : Le paradoxe on n’y a tous droit.

We're all entitled to the paradox.

Paul : C’est un marqueur de mon incapacité à faire attention aux trucs que je me fais. Je ne me fais que du mal, je me détruis par la bouffe parce que c’est une manière pour moi de remplir un vide, probablement amoureux, de tendresse, Donc c’est un marqueur du fait que je ne m’accorde pas d’amour propre et que je ne m’accorde pas assez d’attention. Tous les jours ça me rappelle que je n’ai pas fait assez gaffe. Et le drame c’est quand tu as pris beaucoup de poids ou perdu beaucoup de poids tu as le corps très abîmé. Même si tu perds du poids, tu n’es jamais mince.

It's a marker of my inability to pay attention to things I do to myself. I only hurt myself, I destroy myself through food because it's a way for me to fill a void, probably in love, of tenderness, so it's a marker that I don't give myself enough self-esteem and I don't give myself enough attention. Every day it reminds me that I didn't pay enough attention. And the drama is when you've gained a lot of weight or lost a lot of weight you have a very damaged body. Even if you lose weight, you're never slim.

Je suis des gens sur Instagram qui ont fait des transformation physiques très dures, ils ont de la chair qui pendouille et moi je suis bloqué entre le fait que je veux maigrir parce que je ne me sens pas bien, je suis en surpoids, je commence à avoir mal au dos et aux articulations mais si je maigris trop mon corps va être abîmé. Je vais devoir faire de la chirurgie reconstructrice avec des cicatrices qui seraient pire encore. Donc en fait mon existence se résume à des cicatrices verticales sur le côté qui si je perdais du poids seraient résumées à une énorme cicatrice verticale. Donc jusqu’à la fin de ma vie j’aurais des cicatrices.

I follow people on Instagram who have done very hard physical transformations, they have flesh hanging out and I'm stuck between the fact that I want to lose weight because I don't feel good, I'm overweight, I'm starting to have back and joint pain but if I lose too much weight my body will be damaged. I'm going to have to do reconstructive surgery with scars that would be even worse. So in fact my existence is reduced to vertical scars on the side which if I lost weight would be reduced to a huge vertical scar. So for the rest of my life I will have scars.

Et enfin c’est douloureux pour moi car je suis un homme et les vergetures sont associées aux femmes. J’ai été très soulagé, très ému, il y a quelques semaines quand j’ai vu une publicité dans laquelle ils montraient des vergetures sur des femmes qui étaient superbes. C’était des mannequins. Et j’aimerais bien aussi qu’on en voit sur les hommes. Je suis toujours soulagé quand je vois des vergetures sur des hommes parce que j’ai moins honte.

And finally it is painful for me because I am a man and stretch marks are associated with women. I was very relieved, very moved, a few weeks ago when I saw an ad in which they showed stretch marks on women who were beautiful. They were models. And I'd like to see them on men too. I'm always relieved when I see stretch marks on men because it makes me feel less ashamed.

Ça m’est extrêmement pénible de les prendre en photo mais ça serait comme l’éléphant dans la pièce qu’on ignore. Donc je déteste l’idée de te montrer ces cicatrices, je déteste l’idée que tu les prennes en photo mais elles sont tellement présentes. Elles n’ont jamais empêché un seul garçon de bander et je me demande bien pourquoi. 

It's extremely painful for me to take pictures of them, but it would be like the elephant in the room we ignore. So I hate the idea of showing you these scars, I hate the idea of you taking pictures of them but they're so present. They've never stopped a man from getting hard and I wonder why. 

Thibaut : Parce qu’ils voient autre chose. Qu’est-ce que ça veut dire pour toi aujourd’hui quand tu vois des cicatrices sur d’autres gens ?

Because they see something else. What does it mean to you today when you see scars on other people?

Paul : Je trouve que c’est une imperfection qui rend les gens plus belles. Ça dépend des cicatrices évidemment mais c’est comme un tatouage, c’est quelque chose qui sort du lot. Ce corps parfait qui fait tant rêver, épilé en ce moment, très musclé, bronzé évidemment, d’un coup il est marqué par quelque chose. Je présume que chaque vergeture que j’ai représente un chagrin ou un espoir, ou quelque chose. Chaque rayure à une histoire. Sur moi je le vis mal mais sur autrui je le trouve sexy en fait, dans une certaine mesure. Mais là je parle des cicatrices parce que les vergetures ça me rappelle ce que je suis. D’ailleurs c’est marrant mais je passe toujours ma main sur les hanches des garçons avec qui je couche pour vérifier qu’il n’en ont pas, parce que je n’ai pas envie de coucher avec un miroir. C’est la joie (rires).

I think it's an imperfection that makes people more beautiful. It depends on the scars, of course, but it's like a tattoo, it's something that stands out. This perfect body that makes everyone dream so much, shaved at the moment, very muscular, tanned of course, suddenly it's marked by something. I assume that every stretch mark I have represents grief or hope or something. Every stripe has a story. On myself I don't like it, but on others I find it sexy to some extent. But here I'm talking about scars because stretch marks remind me of who I am. It's funny but I always put my hand on the hips of the men I sleep with to make sure they don't have any, because I don't want to sleep with a mirror. That's happy (laughs).

Thibaut : C’est la vie (rires). C’est pas tous les jours la joie.

That's life (laughs). It's not happiness every day.

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